
L’évolution du régime fiscal de la prestation compensatoire mixte
Lors d’une procédure de divorce, l’un des époux peut demander l’octroi d’une prestation compensatoire qui vise à compenser la disparité financière causée par la rupture du mariage[1].
En cas de divorce par consentement mutuel, les futurs ex-époux doivent être d’accord d’une part sur la détermination de son montant, et, d’autre part, sur les modalités de versement.
En cas de désaccord, le juge aux affaires familiales tranche sur ce point par le biais d’un divorce contentieux.
- La détermination du montant
Pour évaluer son montant, il convient de se placer à la date du prononcé du divorce.
Conformément à l’article 271 du Code civil, cette évaluation prend en compte plusieurs critères, tels que :
– la durée du mariage ;
– l’âge et l’état de santé des époux ;
– leur qualification et leur situation professionnelles ;
– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;
– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;
– leurs droits existants et prévisibles ;
– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.
- Les modalités de versement
Concernant les modalités de versement, il peut s’agir d’un capital (versement en une seule fois ou attribution d’un bien) ou d’un capital échelonné (versement sur maximum huit années).
La prestation compensatoire peut aussi être mixte. Autrement dit, une partie est versée en capital et, l’autre, est échelonnée sur une période maximale de huit ans. Enfin, dans des configurations de plus en plus rares, un des époux peut bénéficier d’une rente viagère[2].
- Le régime fiscal
Il varie en fonction des modalités de versement. Avant février 2020, la prestation compensatoire mixte était fiscalement moins avantageuse.
- Lorsque la prestation compensatoire est versée en une seule fois dans les douze mois à compter du jugement de divorce définitif, vous pouvez bénéficier d’une réduction d’impôt à hauteur de 25% dans la limite de 30.500 euros, ce qui correspond à une réduction maximale de 7.625 euros.
- Si la prestation compensatoire est échelonnée dans les douze mois à compter du jugement définitif, les réductions d’impôt sont les mêmes.
- En cas de versement échelonné sur une période supérieure à douze mois après le jugement définitif, les versements sont déductibles pour le débiteur et sont imposables pour le bénéficiaire, à l’instar des pensions alimentaires.
Au contraire, concernant les prestations compensatoires mixtes (avant février 2020), le débiteur ne bénéficiait d’aucun avantage fiscal (ni réduction ni déduction d’impôt) sur la partie payée en capital lorsqu’elle était versée moins d’un an après le divorce. Seuls les versements liés à la rente permettaient un avantage fiscal puisqu’ils étaient assimilés à une pension alimentaire.
Dès lors, le 18 novembre 2019, le Conseil d’État a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) « relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du 2° du paragraphe II de l’article 156 du CGI et de l’article 199 octodecies du même code »[3].
Par une décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a déclaré que le régime fiscal de la prestation compensatoire mixte était inconstitutionnel en raison de la violation du principe d’égalité devant les charges publiques[4]. De surcroit, le seul fait qu’un capital versé dans l’année du prononcé du divorce soit complété d’une rente ne suffit pas à qualifier une stratégie d’optimisation fiscale. Par conséquent, ce mode de versement de prestation compensatoire, à la différence des autres modalités, ne donnant pas lieu à des avantages fiscaux, l’article 199 octodecies du Code général des impôts tel qu’il résulte de la loi n°2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce méconnait la Constitution.
Désormais, quelles que soient les modalités de versement de la prestation compensatoire, des avantages fiscaux sont possibles.
La présente décision est applicable pour toutes les prestations compensatoires versées à compter du 1er février 2020 mais aussi pour toutes les nouvelles affaires introduites à compter de cette date.
[1] Article 270 du Code civil.
[2] Article 276 du Code civil.
[3] Décision n° 434325 du 15 novembre 2019.
[4] Décision n° 2019-824 QPC du 31 janvier 2020.
« 14. Dès lors, en privant le débiteur d’une prestation compensatoire du bénéfice de la réduction d’impôt sur les versements en capital intervenus sur une durée inférieure à douze mois au seul motif que ces versements sont complétés d’une rente, le législateur ne s’est pas fondé sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec l’objet de la loi. »